Enigme n° 2 : La route du lac

Un couple en voiture cherche la route qui les conduira vers un lac. Ils ne possèdent qu’une carte routière, mais pas d’autre moyen d’orientation. Il est 10h du matin et le brouillard s’étend sur le paysage. Un panneau leur indique que le lac se trouve à 60 km de leur position. Une voiture roulant à vive allure en sens contraire manque de les heurter. Ils remarquent que ce véhicule a la même couleur que le leur –vert pâle-, puis d’autres véhicules, tous roulant très vite, les dépassent. Au bout de quelques kilomètres, la route offre différentes possibilités. Egaré, le couple décide d’atteindre le premier village pour demander son chemin. Mais il n’y a pas le moindre hameau en vue. Le brouillard est toujours opaque lorsqu’ils finissent par distinguer les contours d’une maison assez grande. Le portail est ouvert et une jeune femme habillée d’une robe de chambre balaie les marches du perron. La femme sort de la voiture et s’approche.

-Ne marchez pas sur l’herbe. Il y a du verre brisé.

Elle obéit et reste sur le chemin de gravier.

-Excusez-nous de vous déranger, nous cherchons la route du lac.

La femme cesse son balayage et lève la tête.

-Vous n’arriverez pas avant ce soir. Vous avez vu ?

-Oui, la circulation est difficile avec ce brouillard. Mais tout de même…

-Je vous dis que vous n’arriverez pas avant ce soir.

Ils décident cependant de continuer. Le brouillard s’est épaissi et ils peuvent à peine voir le paysage de forêts escarpées. Quelques centaines de mètres plus loin, un nouveau panneau annonce une bifurcation. Sur leur carte, il y a deux possibilités. La route principale semble la voie la plus rapide, mais ce n’est pas sûr ; puis il y a une autre, qui permet de contourner le lac de l’autre côté. Autour d’eux s’étend la forêt, et un homme portant un fusil en bandoulière marche rapidement sur le bas-côté.

-Pardon monsieur, nous cherchons la route du lac.

-Pour le lac, prenez le chemin à droite, au prochain croisement.

-Vous êtes sûr ? Sur notre carte, pourtant…

-Ecoutez, vous m’avez demandé le moyen d’aller jusqu’au lac. J’ai toujours vécu ici. Prenez le chemin à droite et vous y arriverez plus tôt.

Ils le remercient et la voiture redémarre. Désormais, ils sont tout près de la bifurcation, qui annonce que le lac se trouve à une vingtaine de kilomètres. Peu avant, ils croisent un randonneur qui porte un sac à dos et une valise à roulettes. Il marche très vite mais, semble-t-il, péniblement, et tient une carte dépliée dans une main. Les voyageurs s’arrêtent à sa hauteur et lui demandent de comparer leurs cartes.

-On va à l’hôtel des Gentianes, au bord du lac. Un chasseur nous a conseillé de prendre le chemin à droite. Mais il semble que cette route n’est qu’une piste en terre, et, en passant par-là, nous ferons un détour de 10 km environ avant d’arriver au lac. Nous hésitons.

-Vous avez vu un chasseur ? Mais la chasse n’est pas encore ouverte !

Le voyageur ne sait que dire, mais repose sa question.

-L’hôtel des Gentianes… J’y vais aussi. Prenez la route principale ! Vous y serez plus tôt.

-Voulez-vous nous y accompagner ?

-Merci, mais je préfère traverser le col de *** à pied. Mais si vous pouviez prendre la valise de mon amie avec vous… Elle m’a laissé ce bagage avant de repartir de son côté.

Ils acceptent et décident de prendre la route principale, toujours dans le brouillard. À la tombée de la nuit, ils arrivent à l’hôtel des Gentianes. Ils se laissent tomber sur le lit.

-Quelle journée !

..................................................................

La jeune femme qui balayait devant sa maison avait donc raison. Pourquoi ?

Aucun des personnages n’a pourtant menti…

La solution de l’énigme doit prendre en compte tout ce qui a été dit.


Vue sur lac, par Inma Abbet




Ajout du 28-05. Fibonacci & Lièvre


Nature vivante!
et une nouvelle adresse : http://www.inmabbet.com

Commentaires

  1. C'est une énigme basée sur les possibles analepses, pas comme la dernière, dont le modèle était le hiéroglyphe.

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  2. La voiture roulant en sens contraire et de la même couleur que la leur…le verre brisé sur l’herbe…ils ont traversé un miroir ??? ; )))

    Ils sont donc dans une dimension parallèle et le corps de la dame rencontrée plus tôt est dans la valise à roulettes ? Bien entendu, au moment où elle leur parle, elle est déjà morte et probablement eux aussi dans un accident de la route…(Enfin voilà une version dark)

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  3. Merci. C'est intéressant, mais cela n'explique pas pourquoi ils arrivent tout de même à l'hôtel, bien qu'avec beaucoup de retard. Je n'avais pas prévu un détour par le fantastique. Attendons d'autres hypothèses...

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  4. Ce qui m'intrigue, ce sont toutes ces voitures qui les dépassent à grande vitesse en plein brouillard...

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  5. Oui, c'est l'un des indices. Mais on peut construire plusieurs histoires différentes.

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  6. Pour les nouvelles du site, il va y avoir encore des changements. J'ai mon propre nom de domaine et je suis en train de créer un site sur wordpress pour regrouper mes tableaux, dessins et poèmes mais je garderai ce blog pour les critiques de livres. En revanche, je fermerai sous peu le blog sur 24heures pour éviter les doublons.

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  7. Une hypothèse niveau zéro serait qu'il s'agit d'un couple de lilliputiens se déplaçant dans une voiture lilliputienne très lente à notre échelle. Une autre, encore plus basique, serait qu'ils se déplacent dans une voiture à pédales très lente; qu'il y ait du brouillard ou non, il faut bien une journée, alors, pour faire le parcours...

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  8. La voiture à pédales très lente, excellent, je n'y avais pas pensé! Mais je trouve la solution tut à fait plausible, car elle tient en compte le retard quelle que soit la route empruntée :-)))

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  9. Dans le Haut-Rhin, la chasse au lapin est ouverte entre mi-avril et fin février de l’année suivante. Ce récit se déroule vraisemblablement entre le 1er mars et le 14 avril (date anniversaire de la naissance de Chistiaan Huygens, génial fils du raffiné concepteur de Hofwijk), période où les brouillards ont cessé de ouater l’éther au-dessus de la plaine d’Alsace. Des gentianes, on en trouve dans les Vosges, où elles constituent la nourriture favorite des chamois, antilope d’origine asiatique dont la présence dans cette région est attestée depuis le XIVe siècle. Nombreuses sont les bâtisses associées au nom de cette plante sauvage, dont les vertus apéritives, digestives et toniques sont appréciées des épicuriens vintage. On trouve des "pensions des Gentianes" - voire même sous forme de lotissements entiers - à la Bresse ou à Gérardmer. En relevant que ces deux localités sont situées à environ 60 kilomètres de la frontière franco-suisse de l’Elsässerstrasse - à laquelle nous somme fidèles depuis 50 ans - inutile d’ajouter que le récit d’Inma est parfaitement plausible et que nous souscrivons à toutes les excentricités qu’elle pourrait publier sur ce medium.

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  10. Merci P-A.R pour ces souvenirs alsaciens! Puisqu'il y a déjà eu quelques réponses, passons à la solution que j'avais prévue: Le randonneur est en réalité un voleur qui vient de cambrioler la maison où les voyageurs se sont arrêtés la première fois, et qui se trouve assez près du lac. Le voleur avait un complice, son amie, qui est partie dans une voiture vert pâle dans la direction opposée à celle du lac. Il est parti à pied, portant une valise avec son butin, poursuivi (aussi à pied) par le propriétaire de la maison, armé d'un fusil. Les propriétaires de la maison savent qu'il sera difficile d'atteindre le lac, brouillard ou pas, pour cause d'embouteillage dû au barrage de police sur la route principale. Le voleur, ignorant ce détail, se débarrasse de la valise afin de fuir par un chemin de montagne. Les voyageurs arrivent en retard parce qu'ils sont confondus avec les voleurs (parce qu'ils conduisent une voiture de la même couleur et qu'ils transportent, sans le savoir, les objets volés...)

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  11. Mais j'aime beaucoup les principes de résolution des énigmes. Le mien était "il existe un lien non évident entre les trois personnes qui renseignent les voyageurs", celui de l'Acratopège était "Personne n'a dit que les voyageurs conduisaient une voiture rapide".

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  12. Votre interprétation des événements ne laisse pas de m’interpeller grave.
    Dans une optique sino-helvétique, le couple participe au Rallye International des Alpes, à bord d’une Jaguar XK150 3.4 litres de 1958, de couleur British Racing Green : teinte plus proche du vert empire que du vert lichen, il faut le reconnaître.
    La vision fugace d’une jeune femme "belle, sans ornements, dans le simple appareil d’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil", gambadant à 10 heures du matin dans le parc d’une villa néo-antique des bords du lac de Garde, a provoqué un accident de la circulation. Distrait par l’apparition, le conducteur d’une Bentley 3 Litre Speed Model Tourer de 1927 a embouti la grille de la propriété, expliquant le balais et les menus débris jonchant le sol.
    Le couple précité, plus vintage que rétro, ne dispose que d’une carte routière Michelin n° 70 au 200’000e, de la région Beaune-Evian, datant de 1957. Chacun sait que la silhouette du Lac Léman n’est pas celle du Lac de Garde, quel que soit le sens dans lequel on tourne la carte, mais nos intrépides automobilistes ne le savent pas; pas plus qu’ils sont capables de déchiffrer les caractères de petite taille jouxtant les symboles cartographiques, en raison d’une vue déficiente. Pour faire court : "ils sont en plein brouillard", comme dit l’expression populaire.
    S’ils ont rejoint John Steed, portant un fusil juxtaposé calibre 12 de marque Holland & Holland, fabrication 1935, à double détente et chokes fixes, ce n’est pas par hasard. Ce même John Steed, qui vient de crasher sa Bentley contre la grille de la propriété "Vittoriale degli italiani", à Gardone Riviera, ne les connaît certainement pas. Tout occupé qu’il est à poursuivre l’ignoble Docteur фантом, qui parcourt l’Europe avec, pour tout bagage, un sac à dos et une valise à roulettes remplie des derniers exemplaires du "Комунистически манифест" ayant échappé à l’autodafé du 10 mai 1933 à Berlin, il souhaite se débarrasser des occupants de la Jaguar sans les éconduire, quelque myopes qu’ils soient. Il invente donc la fable qui les remet accidentellement sur le bon chemin, mais qui va, par contrecoup, signaler à l’ignoble Docteur фантом que John Steed est sur ses traces pour l'occire.
    Dire: "quelle journée !" n'est vraiment qu'un euphémisme. Elle n'est pas achevée pour tout le monde...

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  13. Merci pour cette nouvelle solution qui explore la nostalgie des fifties et des sixties! On peut tout recréer juste en modifiant les petits détails.

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  14. Feng Wenyue, secrétaire du Parti de la Ville-Préfecture de Ya’an, avait à coeur de fortifier le sentiment de bonheur que ses ouailles portaient naturellement dans leurs gènes. Il organisait des bals, des séances de karaoké, ou des excursions vers les sites remarquables du Sichuan. On s’était ainsi rendu en grande délégation au Grand Bouddha de Leshan, sur les sentiers de pèlerinage du Mont Emei, ou même jusqu’au barrage des Trois-Gorges, qui est à Li Peng ce que la Bibliothèque Nationale de France a été pour François Mitterand.
    En dépit de ces velléités, un irréductible administré ne semblait pas souscrire à cette conception de la félicité. Zhang Yuanwei, Chef de cuisine de l’hôtel Hongzhu avait une idée fixe - une obsession malsaine, selon ses détracteurs -, qui apportait une note dissonante dans cette symphonie. Après 20 ans de mise au point, il souhaitait réaliser le chef d’oeuvre de sa carrière : un cuisseau de panda géant, sauce Grand Veneur.
    Inma, vous n’êtes pas sans savoir que le panda géant est considéré comme trésor national en Chine, et que l’idée d’en croquer un morceau tombe sous la coupe d’un Sur-Moi en béton, dont Confucius et son colègue viennois n’auraient jamais imaginé l’ampleur. Il eût mieux valu mille fois pour Zhang croquer du crapaud séché ou lécher de la sève de pêcher, pour rééquilibrer la mesure de Yin qui semblait lui faire défaut, plutôt que succomber à un funeste délire infecté de Yang.
    Alerté par un saucier que le Chef venait de quitter l’hôtel Hongzhu, avec un fusil et des intentions coupables, le secrétaire Feng Wenyue se mit aussitôt en chasse du chasseur. Comme le premier s’engageait déjà à pieds dans la vallée de Bifeng, le diligent fonctionnaire fit forcer l’allure de la voiture et l’accident arriva : un sac de haricots mungo venait de tomber d’un camion et son contenu gisait, éparpillé sur la chaussée à l’entrée du xian de Baoxing. Les freins devenus inutiles, la voiture alla finir sa course contre un poteau, dont ce n’était pas la fonction première; l’athlétique Feng continua la poursuite sur le même mode que le poursuivi. Un couple de jeunes mariés en route pour le bonheur - et désorientés par la brume qui souvent se love entre les monts bleutés du Sichuan -, vint encore semer la zizanie dans cette double action cynégétique et compliquer le récit ; si bien qu’on ne saura jamais si un panda géant manquait à l’appel le lendemain matin.

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  15. Nouvelle hypothèse: Personne n'a dit que l'histoire ne se passait pas en Chine :-)

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