Livres lus [II]

L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Le roman d’apprentissage est loin d’être un genre épuisé et l’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (dont le titre originel est The Selected Works of T.S. Spivet) le prouve avec éclat. Le narrateur, T.S., est un garçon de douze ans, surdoué et passionné des disciplines les plus diverses, de la cartographie à l’histoire naturelle. Dans son ranch du Montana, sa famille se compose du Dr. Clair, sa mère, entomologiste toujours à la recherche d’un coléoptère rarissime, de son père, « authentique cow-boy », et de sa sœur Gracie, qui rêve de devenir actrice, sans oublier le fantôme de Layton, l’aîné de la fratrie, décédé dans un accident. Lorsque TS apprend que ses illustrations scientifiques ont remporté le prix Baird au musée Smithsonian, le voyage à Washington DC en train de marchandises, à la manière des vagabonds d’autrefois, et à l’insu de ses parents, s’impose. T.S. emporte dans sa valise, parmi d’autres objets insolites, le carnet de sa mère, qui raconte l’histoire de leur ancêtre Emma, également géographe. Aussi, on ignore au Smithsonian que T.S. est un enfant et non pas un « collègue ».

Le lecteur est d’abord surpris par la forme du roman, qui cumule les digressions sous forme de cartes, dessins, explications graphiques, textes parallèles et autres marginalia se répandant autour du texte comme des enluminures maladroites et des représentations de la vie intérieure, donnant ainsi au récit une atmosphère étrange et intemporelle. Selon l’auteur, cette disposition particulière a été développée après l’écriture du texte, ce qui est pour le moins singulier, lorsqu’on voit à quel point le récit et les éléments graphiques sont étroitement imbriqués. Cependant, ce roman ne possède pas la structure du labyrinthe, mais davantage celle d’une arborescence s’éparpillant en branches mineures et en thèmes plus ou moins attendus, de l’arbre généalogique, d’une cartographie de l’histoire familiale superposée aux cartes du monde, comme pour souligner le décalage entre l’observation méticuleuse du scientifique et une réalité beaucoup plus fuyante. Si la construction du personnage principal est l’aspect le plus séduisant de l’Extravagant voyage…, avec son discours enfantin et son déploiement d’activité intellectuelle pleine d’humour, le voyage en lui-même ne manque pas d’arrière-plan symbolique, car c’est seulement en s’en éloignant que T.S. apprend à connaître sa famille.

Reif Larsen, L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet. Nil

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