La dernière nuit à Tremore Beach
à propos
de La dernière nuit à Tremore Beach, de Mikel Santiago
Une
des qualités qui font tout le charme du roman noir, roman policier ou roman à suspense à notre époque, peut-être la qualité
principale, est la création d'une atmosphère particulière, dans des tonalités lugubres ou effrayantes. Cette atmosphère, lointain héritage
romantique et gothique, prend le pas sur n'importe quelle intrigue,
façonne même l'intrigue. Le lieu est une partie non négligeable de
l'action, lui offre un certain exotisme de nature à brouiller les
repères quotidiens. Cependant, nul besoin de châteaux, d'âges
obscurs ou d'échos d'outre-tombe pour créer une telle ambiance,
qui surgit davantage du contraste appuyé que provoque l'irruption
d'une anomalie inexplicable dans un monde des plus sympathiques et
transparents, dans des maisons dotées du confort moderne peuplés de
gens qui se servent d'internet, dans des endroits qui semblent faits
pour des vacances de rêve. Dans
ce
roman,
l'anomalie est d'abord un accident peu banal. Peter, compositeur de
musique pour le cinéma en panne d'inspiration, a trouvé dans une
maison isolée en bord de mer, dans un village qui ne l'est pas
moins, sur la côte du comté de Donegal, le refuge idéal pour se
remettre d'un divorce malheureux, un bout de plage où les
habitations sont très éloignées les unes des autres. Au village de
Clenhburran, il a trouvé aussi des amis et un environnement
chaleureux. Mais tout change lorsqu'il est frappé par la foudre en
rentrant d'une soirée bien arrosée. Le musicien s'en tire
apparemment sans dommage. Pourtant, il commence bientôt à souffrir
de violents maux de tête, et à subir des rêveries bizarres et des
visions macabres qui ont l'air bien réelles, où lui-même et ses
proches sont enlevés ou assassinés. Ces visions sont accompagnées
d’événements qui lui font douter de son propre jugement. Du
somnambulisme aux prémonitions, en passant par la maladie mentale,
l'inquiétante étrangeté se développe ici, en effleurant le genre
fantastique, grâce à la pluralité des hypothèses, où le
narrateur va nous conduire, tour à tour, par les routes de
l'irrationnel ou par celles de la folie et du crime. Et, avec cela,
tout le monde devient suspect et toutes les situations équivoques :
les touristes, les habitants et les résidents de passage, les
médecins, les amis si raffinés qui mènent une existence des plus
lisses, les fêtes villageoises... Tout le monde peut mentir ou cacher bien des secrets et on
sent bien que la vie dans cette si charmante plage irlandaise risque
à tout moment de basculer dans le cauchemar. Peut-être,
précisément, en raison de cette ambiance si spéciale faite de
solitude, de tempêtes en mer et d'orages électriques, qui peut être
aussi belle qu'angoissante. La
dernière nuit à Tremore Beach
restitue un certain Unheimlich
avec
bonheur. Un topos bien employé pour entretenir le suspense et les
nuits blanches
La
dernière nuit à Tremore Beach, de Mikel Santiago, traduit de
l'espagnol par Delphine Valentin. Actes Sud / Actes Noirs, 2016
Image : http://www.actes-sud.fr/catalogue/romans-policiers/la- derniere-nuit-tremore-beach |
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