Dufy, le bonheur de vivre (catalogue)

    Regarder l’œuvre de Raoul Dufy, c'est découvrir un style et une démarche artistique déployés dans de nombreux supports et techniques. L'exposition qui a récemment eu lieu au Palais Lumière d'Évian rend compte de cette étonnante variété de formes, de sources et d'expérimentations esthétiques. Si l’œuvre de Dufy trouve sa place dans les avant-gardes picturales du début du XXe siècle, cette exposition, et l'ouvrage qui l'accompagne, présentent surtout son épanouissement dans les arts appliqués. Cette orientation avait permis à l'artiste, à partir des années 1910, d'obtenir une stabilité financière en même temps qu'un immense champ d'expression allant du stylisme à la décoration sur faïence, en passant par la tapisserie, la gravure, la lithographie, la fresque ou le décor théâtral et les costumes de scène. Dans ces vastes champs artistiques, quelques rencontres sont essentielles aux futures associations. Paul Poiret pour le dessin de mode, Jean Ajalbert et Marie Cuttoli, entre autres, pour la tapisserie, Josep Llorens Artigas pour la céramique ou Jean Cocteau pour le théâtre. Artistes, écrivains, artisans, collectionneurs et mécènes, galeristes... Tous contribuaient à façonner un milieu propice à la création qui s'étendait à tous les aspects de la vie quotidienne, combinant les techniques et les disciplines.

   Les illustrations du Bestiaire ou Cortège d'Orphée de Guillaume Apollinaire, en 1911, sont des xylographies, un procédé qui, par le trait clair et visible obtenu, annonçait son travail dans le dessin de mode et le dessin de motifs d'impression pour vêtements et accessoires. Grâce au couturier Paul Poiret, qui souhaitait transposer en France l'expérience des Wiener Werstätte et de l'interconnexion des arts, de l'industrie et de l'artisanat, Dufy investit le domaine de la mode, et aussi celui de la décoration, en réalisant de grandes tentures. Cette collaboration anticipe une autre, avec la maison lyonnaise de soieries Bianchini-Férier, qui se poursuivra pendant plus de dix ans. À partir de 1912, Dufy conçoit plus de mille projets textiles, destinés aussi bien à l'habillement qu'à l'ameublement. On retrouve dans ces créations certains des éléments utilisés dans le Bestiaire, comme les ornements de la Souris ou ceux de la Chèvre du Thibet, mais son inspiration se nourrit de sources multiples, et va de la peinture japonaise à une certaine modernité incarnée par les paysages citadins et par le sport. Sans oublier les sources de la Grèce antique et de la mythologie. Dans ses motifs, la ville de Paris et les élégantes des années 1920 côtoient des jardins en fleurs, des naïades ou des animaux. Parallèlement à la mode, la carrière de Dufy connaît, dès la fin des années 20, un nouvel essor grâce aux motifs pour tapisserie conçus pour la Manufacture de Beauvais. La géographie parisienne apparaît souvent dans l’œuvre de Dufy ; des chaises et des paravents exposent des symboles d'un Paris contemporain et classique : tour Eiffel, Arc de triomphe, rues courues et habitées... Plus tard, la céramique peinte lui permettra d'explorer d'autres voies : les « jardins de salon » ou jardinières dont la forme rappelle un paysage ou un bâtiment, et qui contenaient des bonsaïs, des mousses ou des plantes d'intérieur jouant le rôle de forêts miniaturisées. Toujours figurative, vive ou chatoyante, sa peinture est tout aussi pertinente sur une robe parsemée d'arums, que sur le dossier d'une chaise, ou encore dans la grande fresque destinée à l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937, intitulée Fée électricité.

   La joie de vivre, sous-titre de l'exposition, se manifeste dans toutes ces aventures artistiques et ces avatars du style de Dufy : dans le compromis entre l'abondance des détails et l'esprit de synthèse, où la composition s'affranchit des perspectives pour embrasser l'ensemble de l'espace urbain aux innombrables traits, où le regard virevolte et se pose brièvement dans un mouvement créé par la couleur.

I.A.



Dufy : le bonheur de vivre : (catalogue de l'exposition, Evian-les-Bains, Palais Lumière, du 11 février au 5 juin 2017) Olivier Le Bihan et al. Snoeck Publishers , (février 2017)

http://www.snoeckpublishers.be/usite/snoeckpub_frbe/
index.asp?p=914&c=T2&i=567




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entry141103-080221

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