Toulouse-Lautrec à la Belle Époque




Les reines de la scène parisienne, l'ambiance des théâtres, des cabarets et des cafés, le demi-monde et les maisons closes, l'univers des romans populaires, ainsi que le sport, qui devenait une composante habituelle des loisirs dans la France de la fin du XIXe siècle, font partie des fragments d'un style de vie mythique, révélé par cette collection privée, représentant pleinement l’œuvre graphique de Toulouse-Lautrec. Le peintre d'une certaine bohème artistique, d'une vie qui se déploie surtout la nuit, est mis à l'honneur par la fondation Gianadda, trente ans après la première exposition qui lui a été consacrée dans ces mêmes lieux. En cette occasion, il sera question de Toulouse-Lautrec en tant que lithographe, affichiste, illustrateur et dessinateur, à travers une centaine d'œuvres produites entre les années 1890 et 1900. Un travail tourné vers la dimension populaire et dynamique de la ville en constante métamorphose et des spectacles en vogue, vers le décor et l'envers du décor, où l'artiste est à la fois spectateur lucide et publicitaire audacieux. La chronique de cette Belle Époque est aussi celle d'un art moderne déjà intégré dans les mœurs, et dont les traits principaux, comme la personnalisation du style et l'éloignement des formes académiques, trouvaient des applications dans des domaines comme l'affiche, où la capacité à éveiller immédiatement l'attention, à intriguer le public, est une qualité recherchée.

Issu d'une famille aristocratique, et confronté à de graves problèmes de santé depuis son enfance, Henri de Toulouse-Lautrec a pu suivre entièrement sa vocation de peintre dans un esprit de liberté qui se reflète dans ses sujets de prédilection : la ville et les plaisirs qu'elle offre. Dans l'affiche de « La Goulue au Moulin Rouge », dans celle de Jane Avril pour le Jardin de Paris, ou dans celles créées pour May Milton , Yvette Guilbert, May Belfort ou Marcelle Lender, tout suggère le mouvement, la danse, le jeu scénique, mais aussi la présence de la clientèle, de la foule, et la fascination de la vie nocturne. La femme, qu'elle soit danseuse, chanteuse ou actrice, est mise en valeur par des couleurs pâles et des contrastes appuyés, soulignant sa gestuelle, et qui suggèrent l'éclairage artificiel et les pénombres voulues de ce « monde flottant » à la française. Parfois, ce qui se passe de l'autre côté de la scène devient un sujet autonome, un autre récit possible, non moins intéressant. Certaines des affiches et autres dessins montrent des spectateurs attentifs dans leurs loges, des élégantes au Bal de l'Opéra ou au théâtre, comme Misia Natanson, qui commençait déjà à exercer une influence sur la vie artistique et mondaine parisienne. En plus du théâtre, du café-concert, du cabaret ou du bal, Toulouse-Lautrec représente de nombreux autres lieux, personnages et situations typiques de la Belle Époque : le sport, -le cyclisme avec « La Chaîne Simpson-, les vacances, avec « La passagère du 54 », ou, motif récurrent dans sa peinture, le monde de la prostitution tel qu'il devait le voir, en partageant l'intimité des pensionnaires des maisons closes –, avec l'album de lithographies nommé « Elles ». L'exposition montre le travail du peintre dans différentes versions d'un même thème, et ajoute des œuvres d'artistes contemporains de Toulouse-Lautrec, comme Louis Anquetin, ou Théophile Steinlen (auteur de la célèbre affiche de « La Tournée du Chat Noir »), qui ont également évoqué l'atmosphère de vivacité gaie et frivole du Paris d'autrefois.

Inma Abbet


Henri de Toulouse-Lautrec à la Belle Époque, French Cancans, Œuvres graphiques. Une collection privée. Du 1er décembre 2017 au 10 juin 2018, à la la Fondation Pierre Gianadda, Martigny



Affiche pour La Goulue au Moulin Rouge, 1891


Henri de Toulouse-Lautrec, 
affiche pour Le Divan Japonais, 1892-93

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Henri de Toulouse-Lautrec,  couverture pour L'Estampe originale,
 lithographie en six couleurs


Henri de Toulouse-Lautrec, Reine de joie, 1892, lithographie

Louis Anquetin, L'Intérieur de chez Bruant, Le Mirliton, 1886-1887, huile sur toile


Théophile Alexandre Steinlen, La Tournée du Chat Noir, 1896


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