L’Ombre du vent : jeux de miroirs et géographies urbaines

Je me suis enfin décidée à lire un roman que je voyais depuis quelques années en bonne place dans les librairies, et auquel je ne m’étais pas intéressée en apprenant que le récit se passait, en partie, dans la Barcelone des années 1940 (1). Pourtant La sombra del viento (L’Ombre du vent) de Carlos Ruiz Zafón a été pour moi la bonne surprise de ce mois de septembre, où je m’applique comme toujours à cultiver l’anachronisme et l’inactualité. Inutile de dire, sur la trame, quelque chose de plus de ce qui est avancé dans la quatrième de couverture, non qu’il y ait une possibilité de gâcher le plaisir de la découverte aux futurs lecteurs, tant l’histoire semble cousue de fil blanc avec son cortège d’amours contrariés, de violences et de malédictions qui traversent les générations et les âges. Cependant, les aventures de Daniel Sempere, emmené par son père dans une bibliothèque secrète appelée le « Cimetière des livres oubliés » pour y choisir un livre qui lui sera propre, qui l’accompagnera pendant son adolescence, possèdent deux aspects, deux variantes de thèmes littéraires traditionnels, qui les rendent passionnantes.

Ces aspects classiques tiennent dans l’histoire de Daniel et, par une suite de jeux de miroir, dans celle de Julián Carax, écrivain maudit à la chronologie incertaine ayant jadis quitté Barcelone pour Paris. La mise en abyme amorcée dans le Cimetière des livres oubliés (le roman de Carax, choisi par Daniel, s’appelle justement L’Ombre du vent) se manifeste par la suite dans le récit par le biais de répétitions de thèmes et de situations. Par exemple, une histoire d’amour entre deux jeunes gens est empêchée par une famille aux mœurs trop rigides : cette situation apparaît deux fois. Une jeune femme libre mais pauvre fait un mariage très malheureux : cette situation apparaît trois fois, etc. Les péripéties de Daniel et celles de Carax (et de leurs amis respectifs) sont mises en parallèle, dans une variante du topos du manuscrit trouvé, difficile à déchiffrer, dont les incohérences deviennent autant d’énigmes à résoudre et de dangers nouveaux à affronter (Un autre thème classique : Ne réveillez pas le chat qui dort…) L’apparition d’un livre mystérieux au cœur du récit possède, en outre, d’autres sens qui s’y intègrent. On peut citer le livre comme catalyseur de l’adolescence, accompagnant Daniel jusqu’au seuil de l’âge adulte ; on peut citer également le caractère immuable du livre, son emploi en tant que témoin du passé, jamais périmé, prêt à ressortir des décennies après sa parution, afin de combattre une injustice. Mais la richesse de ce thème (le lecteur confronté au livre polysémique et potentiellement dangereux), ne saurait se développer dans ce roman sans un élément souvent présent dans la littérature catalane du XXe siècle : la géographie barcelonaise imbriquée dans la trame romanesque.

Il est question ici d’une Barcelone brumeuse, volontiers effrayante dans des nombreuses scènes nocturnes, accueillant dans ses villas modernistas (Art nouveau) désertées, les fantômes d’un autrefois souvent célébré comme un âge d’or ou du moins comme une période incontournable de la vie barcelonaise, ce début du XXe siècle évoquant à la fois l’architecture de Gaudi, les usines et les cafés littéraires, des quartiers où se côtoyaient industriels, étudiants, artistes vivant d’amour et d’eau fraîche et demoiselles évanescentes. C’est une ville dure et attirante, dont l’image romancée reflète différentes époques et milieux sociaux. C’est également une ville perçue en tant que livre ouvert, qui possède son propre langage architectural et historique offert aux lecteurs-flâneurs qui savent estimer la valeur de l’anachronisme et des signes cachés.

----------------------------------------------------

(1) Dans Le perroquet de Flaubert, Julian Barnes proposait des quotas pour les romans situés à Oxford ou Cambridge (interdiction pendant vingt ans, dix ans pour les autres universités), ainsi qu’un moratoire sur les sagas situées en Amérique latine. Je ne suis pas loin de penser la même chose pour toutes les œuvres de fiction ayant pour cadre la Guerre civile espagnole ou l’après-guerre.

Ajout du 10-12-2013. Barcelone amoureuse, promenade








Commentaires

  1. Tragique, oui, mais pourquoi? Le décor et la mise en scène de la pièce qu'on y joue, certainement. J'ai découvert Barcelone à l'époque où il fallait 2 jours pour s'y rendre en voiture et cette topologie de l'étrange m'a déjà intrigué à Perpignan, sa banlieue, comme si l'on y jouait un drame en continu et sans sous-titre.

    RépondreSupprimer
  2. Je cherche aussi le pourquoi, et cette page devrait accompagner la réflexion. Je ne connaissais pas ce texte de Nodier, qui parle de Paris en tant que théâtre:

    http://expositions.bnf.fr/atget/arret/14.htm

    J'ai d'excellents souvenirs de voyages dans le sud de l'Espagne qui duraient toute une nuit. Quant à Barcelone, j'avais voulu y aller pour étudier, il y a longtemps, mais cela ne s'était pas fait. Je m'y suis en revanche beaucoup promenée, et j'aime beaucoup des endroits comme le "Passeig de Gràcia" et la cathédrale Santa Maria del Mar.

    RépondreSupprimer
  3. En prenant du recul, le contraste avec une ville flamande ou hollandaise est saisissant. Est-ce que le climat fait tout ? Et puis Barcelone est une ville portuaire, tout comme Marseille qui repose sur des strates culturelles diverses lui donnant un caractère unique. Ou Lisbonne, porte d'embarquement pour l'Afrique ou l'Amérique du Sud.

    RépondreSupprimer
  4. Autrefois, je traversais un petit port de pêche sur le chemin de l'école. La présence du port, on la sent surtout dans les petites villes, ou dans celles qui sont entièrement tournées vers la mer, comme Gênes ou Palma. Le port de Barcelone, même s'il est assez grand, reste tout près du centre-ville. Cette proximité rend l'histoire de la ville et son évolution plus lisibles. Rien à voir avec le port de Rotterdam.

    RépondreSupprimer
  5. Rotterdam est à 30 km de la mer, ce qui permettrait de dire que les Hollandais se méfient de l'élément liquide qui a tenté de les submerger plusieurs fois. Mais, ils ont aussi parcouru les océans dans toutes les directions pour échapper à leur condition.

    1959, le petit port de L'Escala: depuis la terrasse sur le toit, j'observe les bateaux de pêche qui glissent sur le sable pour aller éblouir les poissons.

    RépondreSupprimer
  6. Ils ont parcouru les océans pour échapper à leur condition... Comme les loutres, qui plongent dans l'eau dès qu'il pleut. Mon mari aime beaucoup la Hollande et la Belgique. J'attends toujours qu'il me ramène des photos des rues et des cafés qu'il fréquente.

    RépondreSupprimer
  7. Encore une fois, vous attisez mon goût de la lecture! Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé en vous lisant au "Manuscrit trouvé à Saragosse" de Potocki, qui m'a fasciné il y a quelques années. J'ai tout oublié du contenu de ce livre monde. M'est-il revenu en mémoire seulement à cause de l'Espagne?

    RépondreSupprimer
  8. Ou de la mise en abyme sur fond romantique :-)
    cela impliquant aussi plusieurs niveaux narratifs, à commencer par le rêve et la veille. Cet aspect "face cachée de la lune" ou "texte à tiroirs" m'intéresse beaucoup, mais il appartient à votre domaine. Merci beaucoup, car partager des impressions et inciter à lire est mon aspiration principale dans ce blog.

    RépondreSupprimer
  9. A propos d'échanges, j'ai laissé une note à votre intention sur le Songe de Kuniklos...

    RépondreSupprimer
  10. Votre lecture de "L'Ombre du vent", attentive aux structures du récit, en propose un éclairage intéressant, au-delà des péripéties romanesques. Quant aux quotas en littérature, qu'il s'agisse de lieux, d'époques ou de thèmes, vous n'y pensez pas sérieusement (nonobstant l'humour de Julian Barnes) ?

    RépondreSupprimer
  11. Bonjour,

    Vous vous faites rare... Dommage.

    Bonne journée.

    RépondreSupprimer
  12. mais non, mais non, j'ai bientôt une semaine de vacances pour être moins rare :-) Bonne journée à vous HL!

    @Bonjour Tania... C'est de l'humour, bien entendu, cette histoire de quotas, mais elle reflète la lassitude qui peut s'emparer du lecteur qui n'a pas envie d'entendre une nouvelle histoire de vampires, ou de bateaux qui coulent, ou de telle ou telle guerre, cela dépend des modes. Ce qui est curieux dans ce roman, c'est que malgré tout le récit revient toujours s'ancrer dans la période "modernista". J'ai lu un certain nombre d'essais et de nouvelles sur cette période, et je me souviens de l'un d'entre-eux qui parlait précisément de la géographie littéraire de Barcelone. Si je le retrouve je profiterai pour approfondir ce sujet.

    RépondreSupprimer
  13. Pour préparer votre prochain circuit touristique basé sur "La Sombra del Viento"

    http://www.df.lth.se/~jokke/sombra/

    RépondreSupprimer
  14. Les souvenirs de guerres qu'on a pas faites, ni vécues, marquent davantage que celles dont on nous parle tous les jours aux informations. Mes grands-parents avaient été tellement impressionnés des récits de la guerre de 1870-71, que leurs avaient faits leurs parents, qu'ils me l'ont transmise en héritage. Celle-là ajoutée aux deux suivantes de la génération de mes parents, plus celles qui font partie de ma propre mémoire, me donne le sentiment que cela fait 130 ans que j'entends parler de guerres.

    RépondreSupprimer
  15. Cela peut aussi être dû à la définition de guerre. On pourrait aussi considérer qu'il n'y a pas plusieurs guerres, mais une seule qui n'en finit pas et qui est reprise de temps en temps. Comme vous avez des origines alsaciennes, le souvenir de 1870-71 est d'autant plus puissant. A Strasbourg, le souvenir des guerres reste dans les noms des rues, mais aussi dans l'architecture de toute une partie de la ville, inspirée de l'Allemagne, du côté de la bibliothèque, surtout.
    Je n'étais pas à Barcelone, mais dans un des endroits que j'affectionne, dédiés au tourisme de masse et absolument charmants à la basse saison.

    RépondreSupprimer
  16. Demain 5 novembre, 18 h. 30, Messe de Saint-Hubert dans la nef de la Cathédrale de Strasbourg. Vous y serez avec Blanchon ?
    En fait, même si mon père est né à Colmar sous le règne de Guillaume II, le seul élément alsacien AOC est ma grand-mère. Mais de grands originaux...

    RépondreSupprimer
  17. Comme la plupart des membres de son espèce, Blanchon est peureux et craint le bruit. Je ne le sors que pour l'amener en pension, lorsque nous partons en voyage, et encore à ces occasions il ne manque pas de déclencher des réactions émerveillées dans le voisinage ou à l'arrêt de bus "Mais il est beau, votre lapin!"

    RépondreSupprimer
  18. Avez-vous lu John Updike et ses:
    "Rabbit, run", "Rabbit redux", "Rabbit is rich", "Rabbit at rest" ?
    De la très bonne littérature américaine comme on l'aime dans les terriers.

    RépondreSupprimer
  19. A ma grande honte non, aucun des trois, mais il n'est jamais trop tard :-)

    RépondreSupprimer
  20. Et Dos Pasos, Irving et Faulkner ? Vous pouvez oublier le reste...

    RépondreSupprimer
  21. Irving, j'ai essayé de lire deux de ses romans et je les ai trouvé ennuyeux et bavards, je n'ai jamais pu m'y accrocher, malgré tout le bien qu'on en dit. Faulkner et Dos Passos, pas mal lu en fac, je préfère tout de même Dos Passos. C'est une étrange chose que les goûts littéraires.

    RépondreSupprimer
  22. Mais le goût littéraire (ou esthétique en général)se forme-t-il à une certaine époque ou continue d'évoluer et de fluctuer tout au long de la vie? Il y a aussi le fait de ne pas oser dire qu'un texte reconnu nous ennuie ou nous déplaît. Heureusement, j'ai dépassé cette étape, mais je garde encore en mémoire les réactions hargneuses de ceux qui confondent la qualité d'un style et l'attirance envers un récit qui reflète plus ou moins leur situation personnelle.

    RépondreSupprimer
  23. La littérature, dit-on, a pour fonction de communiquer une esthétique.
    Communiquer est affaire de style, alors que l'esthétique est un jeu de reflets de personnalités.
    C'est trop carré ?

    RépondreSupprimer
  24. Non, c'est vraiment souple, je m'y retrouve, mais je me demande toujours pourquoi certains reflets restent définitivement opaques pour moi, et ce n'est pas faute d'y avoir essayé, ce qui me ramène à la question de la formation du goût. Se forme-t-il à un certain âge, assez précocement?

    RépondreSupprimer
  25. Invention de la personnalité et choix d'un rôle => PJR
    J'avais 4 ans, au lit avec une otite et on me présente plusieurs cadeaux à choix. J'ai pris le livre à cause des formes et des couleurs, et je me souviens du texte que ma mère lisait: dans l'histoire, il y avait un décor fait "de mousse de nuages et de crème d'arcs-en-ciel".
    Il paraît que l'esthétique est une invention allemande. Mais à quoi, alors, jouaient les Grecs et les Romains ?

    RépondreSupprimer
  26. Une invention allemande? Hier j'ai commencé à lire la Critique du jugement de Kant, je vous en dirai plus quand je l'aurai finie. Sinon, je passe mes journées à me battre contre le vocabulaire de votre domaine, mais j'apprends aussi des choses nouvelles pour moi.

    RépondreSupprimer
  27. "Critique de la Raison pure"? j'ai tenté par trois fois de la lire sans dépasser la page 100. Idem avec une version abrégée commentée par une âme bienveillante: rien à faire, faut supporter son Karma.
    Quel domaine ? La Chine ou la Finance ? Si vous voulez mixer les deux, il y a un site intitulé "China Financial Markets".

    RépondreSupprimer
  28. Je suis heureuse de constater que je ne suis pas la seule à ne pas dépasser la page 100 de tel ou tel ouvrage, bien que pour les romans ma patience n'arrive pas jusque là. Je me rappelle ce que vous aviez dit il y a quelques mois à propos du parfum et de l'importance du contexte dans le développement du goût et de la mémoire. Transposé à la littérature, cela devrait apparaître, par exemple, lorsqu'un auteur est très lu parce que sa biographie est très connue, ou parce qu'il a eu une vie inhabituelle.
    Il s'agit de la finance, mais je regarde pas mal de sites, pour la terminologie.

    RépondreSupprimer
  29. Investopedia est très bon pour donner des définitions et des exemples. Google Finance est excellent pour des information sur les valeurs et créer des portefeuilles fictifs.

    Prenons le cas d'un roman à la mode comme "Millenium": à la page 60 j'ai arrêté à cause de nausées à l'évocation du mode vie dans une social-démocratie avancée. Oserais-je avouer que Salinger m'a fait le même effet dans les années 60 ?

    RépondreSupprimer
  30. Un grand merci pour vos suggestions. Je ne connaissais pas ces sites.
    Ah, le réalisme et ses pièges! Justement, dans les années 60, les romans de Salinger décrivaient un monde où beaucoup pouvaient se reconnaître, et tous les aspects désagréables de ce monde y apparaissaient concentrés. A la fin des années 80, le contexte ayant disparu, seul le récit se maintenait avec son efficacité, ou son côté émouvant, mais cette fois loin de tout modèle réel. "Évocation du mode de vie dans une social-démocratie avancée" nous renvoie à ce réalisme désespérant et sans mystère.

    RépondreSupprimer
  31. C'est justement dans ce contexte de crudité ordinaire, que la vie des Chinois au cours de ces 60 dernières années est passionnante à évoquer par témoin interposé. Le culturel et l'historique se concentrent dans une réalité à visage humain. Un visage si différent pour une psyché déroutante...

    RépondreSupprimer
  32. Très beau roman initiatique, héros attachant, seconds rôles picaresques... Je ne connais pas Barcelone, mais la Barcelone du livre semble très éloignée de la Barcelone de Gaudi dont on nous rebat les oreilles. Je n'ai pas vu le nom de Gaudi mentionné une seule fois dans le livre.

    Aussi, je suis assez étonné que la guerre civile espagnole soit à ce point "évacuée" de l'histoire. Certes, ce n'est pas le propos de l'ouvrage, mais c'est une guerre civile quand même! Résumer ça à "et ailleurs des gens se battent" ça me paraît un tout petit peu réducteur.

    Ceci dit, ces modestes remarques ne doivent pas cacher l'indéniable qualité de l'ouvrage. Un livre qui ne doit pas finir au Cimetière des Livres Oubliés...

    RépondreSupprimer
  33. Bonjour Stéphane; l'oeuvre de Gaudí apparaît de manière implicite dans les visions de la vieille nourrice, qui rêve d'une ville dont la cathédrale ressemble à une méringue. Aussi dans les caprices architecturaux des différents propriétaires des villas, qui devenaient les mécènes d'un style très audacieux pour l'époque, où se mélangent des influences gothiques, orientales, des motifs végétaux ou abstraits... Cette présence de l'architecture, très marquée selon les quartiers, est à mon avis typique de Barcelone, et de sa littérature.

    RépondreSupprimer
  34. C'était pourtant il y a 50 ans, mais je me souviens d'un restaurant qui s'appelait Los Caracoles, à cause d'une discrépance entre le verbe français "caracoler" et la traduction du nom espagnol de ce lieu: "les escargots".

    RépondreSupprimer
  35. Et on appelle un escalier en colimaçon "escalera de caracol". Cela n'a rien à voir, mais je viens de lire "Pepita", de Vita Sackville-West, où l'auteur raconte l'histoire de sa grand-mère espagnole. Le point de vue d'une Anglaise des années 1930 sur l'Espagne du XIXe siècle est assez amusant, mais en même temps elle cherchait à comprendre comment la vie se déroulait dans une société qui qui était très lointaine. Cela m'a un peu rappelé le "Labyrinthe du monde" de Yourcenar. Les histoires de voyageuses avec des coffres remplis de crinolines, malles et cartons à chapeaux m'ont toujours fait rêver.

    RépondreSupprimer
  36. J'ai sans doute l'esprit d'escalier, et je rate sans cesse des marches, mais avec retard je tenais à poser une question: me direz-vous pourquoi je suis incapable de ne pas terminer la lecture d'un livre même s'il m'ennuie ou m'agace ou m'indiffère ou me navre? Il y a des exceptions, parfois transitoires: j'ai dû m'y reprendre à trois fois pour arriver au bout d'"Ulysse", et ai été récompensé par le merveilleux chapitre final - monologue de Molly Bloom. Sur ma table de nuit traîne aussi depuis plus d'un an un roman sud-africain que mon épouse m'a conseillé, intéressant mais laissé en plan... Mystère.

    RépondreSupprimer
  37. Je crois que c'est à cause du jeu d'abord. Lire un livre plaisant est un plaisir, tandis que lire un livre ennuyeux est un défi, que personne n'aime perdre. Ensuite, il y a la curiosité "Sera-t-ce aussi nul jusqu'au bout? Y aura-t-il quelque beauté malicieusement en embuscade?" Merci pour la référence à Molly Bloom, c'est exactement cela, cependant, j'avais tenu à finir "Ulysse" parce que je faisais confiance à l'auteur (les nouvelles des "Dublinois" et le "Portrait de l'artiste", me fascinaient. Enfin il y a le style, et c'est là un aspect à la fois évident et mystérieux. Il existe une musicalité de la prose qui nous surprend parfois parce qu'elle éveille des souvenirs personnels. Si l'on revient aux "Dublinois", la fin de "The Dead" m'attire particulièrement, dans cet extrait:

    "Yes, the newspapers were right: snow was general all over Ireland. It was falling on every part of the dark central plain, on the treeless hills, falling softly upon the Bog of Allen and, farther westward, softly falling into the dark mutinous Shannon waves. It was falling, too, upon every part of the lonely churchyard on the hill where Michael Furey lay buried"

    plusieurs expressions évoquant la neige qui tombe évoquent également le déclin, mais surtout elles se répètent en douceur, "falling softly", "softly falling". Ce paragraphe a donné lieu à des interprétations critiques contradictoires (notions de froideur et de mort associées à la neige ou éveil spirituel à travers la prise en considération des autres, vivants ou morts). Il n'empêche que toutes ces interprétations étaient pour moi beaucoup mois importantes que la force suggestive du texte, malgré ou justement à cause des répétitions. Le rythme de certains textes crée des paysages intérieurs chez le lecteur. A ce stade là, l'intrigue, l'ennui,l'agacement sont secondaires.

    RépondreSupprimer
  38. Pour varier, il m'arrive de lire en parallèle deux ou trois livres qui ont des vitesses de croisière différentes. Ca évite de désespérer d'arriver un jour à bout d'un gros pavé pendant que de séduisante petites publications vous font un appel des pages.

    RépondreSupprimer
  39. Des vitesses de croisière? J'avais plutôt pensé à des "souffles" des "respirations" pour caractériser le rythme, même s'il ne m'arrive pas souvent de lire à voix haute.

    RépondreSupprimer
  40. Exemple 1: je poursuis la lecture de "L'homme sans qualités" à doses mesurées, pour dénicher les pépites qui se cachent souvent entre des pavés obscurs.
    Exemple 2: j'ai entamé la lecture des Cahiers de Paul Valéry, dont Edmée de la Rochefoucauld a eu la bonne idée de faire une synthèse, en 3 petits volumes, des 29'000 pages de l'original. Du prédigéré.
    Exemple 3: quelques bouquins minces et faciles qui se jettent sur moi au passage pour me rappeler de ne pas les oublier: Italo Calvino, Christian Bobin, etc.
    Moralité: doser les efforts et varier les plaisirs.

    RépondreSupprimer
  41. Les bouquins minces et faciles ont des qualités cachées. Enfin, je ne dirais pas faciles, mais accessibles. L'une de ces qualités est de nous inviter à lire les pavés obscurs de son auteur, comme on peut aborder "L'Homme sans qualités" après la lecture des "Désarrois de l'élève Törless", par exemple. Une autre qualité tient au fait que chaque livre évoque d'autres livres. La lecture des "Amours difficiles" de Calvino m'a rappelé certains poèmes de Pavese, que j'ai relu par la suite.

    RépondreSupprimer
  42. Vous ai-je déjà dit que, pour moi, un livre ne devrait pas dépasser 120 pages et que, si l'auteur n'a pas pu communiquer l'essentiel de ce qu'il avait à dire sur cet espace, il ne doit pas insister, le reste est superflu...

    RépondreSupprimer
  43. J'ai acheté sur Amazon l'Ombre du Vent. Même s'il dépasse les 120 pages prescrites, je sens que je le lirai jusqu'au bout. J'aime bien l'idée des vitesses de croisière. Je lis aussi souvent plusieurs livres en parallèles, sans compter les lectures professionnelles: un livre facile pour le train, un livre difficile pour le train - actuellement l'Histoire de la pensée chinoise, un livre pour le soir avant de m'endormir, etc...

    RépondreSupprimer
  44. Le détail des 120 pages m'a intéressé, mais je n'ai pas répondu à P.A.R, car je vais en faire le sujet de mon prochain billet.
    Pour le train j'avais téléchargé quelques classiques sur ebooksgratuits, mais dimanche dernier, comme j'étais à Milan, j'ai acheté le dernier Umberto Eco, qui n'a pas encore paru en français. je trouve intéressant de lire en italien, mais j'ai besoin de me concentrer, et la lecture a un rythme moins fluide, ce qui est un peu difficile dans le train, où l'on a les distractions du paysage.

    RépondreSupprimer
  45. Je découvre votre blog via celui de l'Acratopège.
    J'ai lu L'ombre du vent il y trois ans et il reste ancré (encré?) dans ma mémoire comme un livre à conseiller à tous les amoureux des livres et de la littérature.

    RépondreSupprimer
  46. En aparté pour PJR: En ce qui concerne "Histoire de la Pensée chinoise", les 2'000 premières années sont les plus difficiles; après, ce n'est que de la répétition.

    RépondreSupprimer
  47. Bonjour Inma Abbet,
    Je vous remercie de votre visite ainsi que de votre gentil commentaire. Cela me permet de découvrir vos deux blogs, j'aime beaucoup votre pays que j'ai visité plusieurs fois ainsi que l'Italie dont je ne me lasse jamais...
    Amicalement

    PS: Je n'ai pas pu laisser un commentaire sur votre autre blog...

    RépondreSupprimer
  48. J'arrive très bientôt au bout de l'Ombre du Vent. Je vous en dirai des nouvelles sans doute. Et votre billet promis à propos des débuts de roman, s'est-il égaré dans les ruelles de Barcelone?

    RépondreSupprimer
  49. Bonjour L'Acratopège, non, mais j'ai voulu mettre aussi mes dernières photos de couchers de soleil depuis mon balcon. C'est pour bientôt.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés