Les presqu'aimées

La première impression que j’ai eu des personnages de Koike Mariko, aussi bien dans le roman Le Chat dans le cercueil que dans le recueil de nouvelles Je suis déjà venue ici, est celle du danger. Un danger insidieux et presque insaisissable collant aux relations amoureuses, et qui donne lieu à un suspense ténu mais continu. Un danger lié à des amours sombres et tièdes, à la rivalité ou la jalousie. Dans Le Chat dans le cercueil, la présence d’un animal domestique cristallise les rancœurs issues de rêves déçus. Un artiste peintre, qui élève seul sa fille Momoko, accueille dans sa maison une jeune élève, amoureuse de lui en secret. Le peintre a aussi une fiancée, Chinatsu, qui ne voit pas d’un bon œil l’attachement exclusif de Momoko pour le chat Lala. Tout ce monde met une telle volonté à être aimé et les dégâts causés par le monstre aux yeux verts sont tels  qu'on peut se demander dès le début si tout cela ne va pas mal finir. Dans les nouvelles, en revanche, il est souvent question de femmes désenchantées et de liaisons furtives mais étendues dans la durée. Des histoires d’amour dont on se demande ce qui peut bien les nourrir, si ce n’est l’attente d’un avenir improbable. Ce sont  onze portraits de femmes (et d’hommes, parfois) jouant entre deux âges et entre plusieurs vies, davantage presqu’aimées que mal-aimées, diluées dans l’anonymat des villes, des héroïnes à peine décrites et dépourvues de nom, comme pour souligner leur condition d’aventurières facilement remplaçables. Leurs compagnons sont souvent plus âgés et appartiennent à un milieu social plus élevé, avec une histoire moins éparpillée. La froideur et les non-dits accentuent un déséquilibre qui se termine par un éclat soudain, sous forme de rupture ou de disparition ; mais il y a aussi des fulgurances inattendues, jamais dérisoires malgré leur brièveté ou leur arrivée tardive, et même des couples qui résistent à la traversée de l’ennui.  
La seule chose à regretter est que seuls deux livres de cette romancière japonaise aient été traduits en français à ce jour.

Koike Mariko, Je suis déjà venue ici, récits traduits du japonais par Karine Chesneau, éd. Philippe Picquier, 2011. Le Chat dans le cercueil, roman traduit du japonais par Kaine Chesneau, éd. Philippe Picquier, 2001.

Commentaires

  1. Belle trouvaille Inma le titre de ce billet!
    "Presqu'aimées ou mal-aimées" je me demande s'il n'est pas encore plus frustrant d'être "presqu'aimées" que "mal-aimées". Seul compte d'être une bien-aimée, et encore mieux une aimée.
    C’est très intéressant comme vous parlez du "danger" au début de votre texte. D’ailleurs tout ce que vous écrivez dans ce billet est très joliment exprimé et donne envie de découvrir cet auteur.

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  2. C'est parce que j'ai écrit un poème intitulé "Le presqu'amour" :-), où il était question aussi d'une personne mal-aimée.

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  3. C'est étrange ce que vous écrivez-là.
    J'ai le sentiment que l'on peut dire (être) "presqu'aimé" mais que le "presqu'amour" est impossible. L'amour EST ou n'EST PAS! A la rigueur je pourrais comprendre le terme de "presqu'amour" pour qualifier une amitié mais même en amitié il faut que l'absolu soit, sinon ce n'est pas de l'amitié. Bien entendu je parle de l'Amitié avec une majuscule pas de celle que l'on confond avec "relations amicales", des "presqu'amitié" en quelque sorte:))
    Ceci dit, votre poème doit être beau car inspiré sans doute par un moment vécu (+_+)

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  4. Oui, plutôt une série de moments vécus, anciens mais mémorables, et j'ai une bonne mémoire :-)

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  5. La chatte Lala trouble les personnages de Koike Mariko comme Saha la chatte ceux de Colette - dans des styles très différents. Peut-être ouvrirai-je ces nouvelles, mais certainement ce blog que m'a recommandé Colo et où je trouve bien des sujets à partager.

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  6. Merci Tania, de nous rappeler cet autre illustre félin. C'est vrai que les chats laissent rarement indifférent.

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  7. L'alizarine pourrait donc remplacer le henné pour colorer les cheveux?
    Je découvre "les mots rares"...
    Pardon de le dire ici mais je n'ai pas réussi à trouver le compte avec lequel je devais commenter, Ambre était refusé et mon compte Google non autorisé (0_0).

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  8. Hum! Je pensais commenter sur "Dépaysement" et j'atterri ici (0_°)

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