Peintures et dessins d’écrivains
A propos de Peintures & dessins d’écrivains- De Victor Hugo à Boris Vian,
de Donald Friedman
Certaines œuvres
picturales et graphiques réalisées par des écrivains sont assez connues, et
elles s’intègrent bien dans leur style. C’est le cas des dessins à l’encre de
Victor Hugo, de ceux de Goethe ou d’E.T.A. Hoffmann. Certains artistes ont été
tout aussi reconnus peintres et poètes, comme Dante Gabriel Rossetti ou William
Blake. Pour d’autres, il est impossible de séparer le dessin de l’écriture, et on
peut se souvenir du monde animalier de Beatrix Potter. Mais qui connaissait les talents de portraitiste, caricaturiste
ou paysagiste qui sont restés cachés dans les marges de la création littéraire, présents
sous forme de divertissement, de passion privée, parfois de mise en scène
visuelle ou d’illustration dans les romans et nouvelles de nombreux
écrivains?
C’est ainsi que l’on découvre les portraits –essentiellement d’amis ou de proches- esquissés par Alfred de Musset ou Edgar Poe, les tableaux de Théophile Gauthier et George Sand, et, également, la manière dont G.K. Chesterton, Lewis Carroll ou Kipling voyaient leurs personnages. Une vision parfois décevante pour l’artiste lui-même, telle Charlotte Brontë évoquant ses illustrations pour Jane Eyre : « Il n’est pas suffisant d’avoir l’œil du peintre, il faut aussi avoir la main du peintre pour tirer profit du premier don. J’ai gâché, en mon temps, une certaine quantité de papier bristol et de feuilles de dessin, de pastels et de godets de couleurs, mais lorsque j’examine aujourd’hui le contenu de mon portefeuille, on dirait que, durant les années où il est resté fermé, quelque fée aurait transformé en feuilles mortes ce que jadis je prenais pour de l’or ; […] ». Déception, mais aussi, toujours chez les sœurs Brontë, prolongement d’un univers poétique. D’autres exemples montrent la fascination de l’objet sculpté, (Pearl S. Buck), l’ancrage des souvenirs (Joseph Conrad), la peinture comme thérapie (Hermann Hesse) ou l’expérimentation avec la forme même des mots (Guillaume Apollinaire).
La définition
d’œuvre d’art, et par extension celle de l’artiste se trouve à la fois
perturbée et enrichie par cette impressionnante collection de quelques 200 écrivains
classés par ordre alphabétique, du monde entier, actifs entre le XVIIIe et le
XXe siècle. Les romantiques y côtoient les surréalistes. Difficile de dire quel
est le plus important des deux langages chez ceux qui les ont cultivées ;
quant aux significations, elles sont innombrables… Gribouillage ou technique
stylistique, le trait empiète sur le mot. À l’origine, il peut y avoir une
vocation artistique multiple (on peut être écrivain, peintre et musicien), une
impossibilité à se décider pour une seule voie. Mais ce n’est pas le seul
élément inspirateur car, le rapport entre écriture et peinture est très ancien,
présent dans les langues basées sur des idéogrammes et dans toute forme de
calligraphie.
Pour D. Friedman, qui met en lumière des détails de la biographie
de ces artistes polymorphes, l’attitude qui consiste à explorer ces chemins et
à répondre à ces vocations simultanément est probablement liée dans son
ensemble à la souffrance : parmi les auteurs, on trouve beaucoup ayant
vécu des enfances traumatiques, des abandons, des expériences précoces de la
mort de proches, le la misère ou de la maladie, de la dépression aussi, nous
rappelant que tout ce qui est pénible peut cependant devenir matière malléable
et transformable.
Inma Abbet
Inma Abbet
Peintures
& dessins d’écrivains- De Victor Hugo à Boris Vian, de Donald Friedman,
traduit de l’anglais par Christian-Martin Diebold, Lucie Taffin et Fenn
Troller, Beaux-Arts éditions, 2013
Dessin de Victor Hugo, 1847 |
Illustration de Rudyard Kipling pour Just So Stories |
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