La Saga Maeght
à propos de La Saga
Maeght, de Yoyo Maeght
Dans
l'héritage, il y a avant tout l'organisation consciente d'une
postérité, le prolongement de la vie et des idées par la
transmission d'objets, de savoirs ou de valeurs. Ce qui est transmis
peut être matériel ou spirituel, ayant une valeur marchande ou
sentimentale. C'est un choix où celui qui lègue manifeste une plus
grande liberté, et peut se montrer plus imaginatif, que celui qui
reçoit. L'héritier découvre parfois, no seulement un patrimoine,
mais un souhait de conservation et de continuité parfois difficile à
assumer ou à mettre en valeur. Dans La Saga Maeght, il est à
la fois question d'héritage immatériel, donc fragile et
inestimable, et d’œuvres d'art bien tangibles, ayant des prix,
certes changeants. Il est question du quotidien des artistes et de la
création d'un environnement favorable à leur épanouissement, de sa
consolidation par le biais d'une fondation avant-gardiste, et aussi
de l'avenir de cette famille si étroitement liée à l'histoire de
l'art moderne.
On trouve
ici la fraîcheur d’œuvres qui ne sont pas encore des pièces de
musée, parce qu'elles sont vues par les yeux d'une enfant, la
narratrice Yoyo, petite-fille d'Aimé Maeght, éditeur devenu
galeriste par le hasard des rencontres et des affinités avec des
artistes comme Bonnard ou Matisse. La biographie de ce grand-père
surprend par son audace. Il aurait pu rester paysan, rêvait de
peinture et avait travaillé comme ouvrier lithographe, avant de
devenir collectionneur, mécène, marchand d'art... L'entourage de
Yoyo, de ses parents et de ses sœurs, ce sont les peintres, mais
aussi les musiciens, les acteurs et les écrivains. On y croise
Jacques Prévert, Miró, Braque, Giacometti ou Picasso ; les
grands-parents Maeght se montrent des hôtes attentionnés et des
amateurs d'art éclairés, ayant compris la pertinence de tendances
qui semblaient à l'époque -les années 1940-1950- éphémères ou
excentriques, voire démodées, comme le surréalisme, dont ils
s'emploient à faire revivre l'esthétique et l'atmosphère lors de
l'exposition de 1947. Cette ambiance exceptionnelle est reconstituée
par Yoyo, à l'aide d'un étonnant fonds iconographique et d'un
regard neutre, mais seulement en apparence. Car, derrière les
scintillements mondains, les fêtes et les vernissages, il y a
également les déceptions et l' incompréhension d'une petite fille
qui se pose des questions sur ses parents, des plaisanteries cruelles
et des conflits familiaux centrés sur la continuation compliquée de
l’œuvre d'Aimé Maeght. Après la mort du fondateur de la galerie,
il reste un héritage unique, dont l'inventaire donnerait le vertige.
C'est le fruit d'une histoire d'amitié et de passion artistique,
mais qui donne, à la fin, une impression d'incontrôlable gâchis.
Au-delà de l'aspect matériel, la narratrice a bien saisi l'esprit
de cette succession, en poursuivant par elle-même le tri et la
découverte de nouvelles tendances de l'art contemporain, en
s'intéressant aux pays émergents dans le marché de l'art... Le
livre se termine se manière ouverte, et on peut regretter seulement
qu'il n'y ait davantage d'images des différentes expositions et
œuvres évoquées, car les descriptions éveillent bien la
curiosité.
La
Saga Maeght, de Yoyo Maeght, Robert Laffont, 2014
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