Les Hautes Montagnes du Portugal
à propos de Les Hautes
Montagnes du Portugal, de Yann Martel
Le
journal d'un prêtre portugais du XVIIe siècle, échoué sur l'île
de São Tomé, est l'origine d'une série de voyages et de quêtes se
prolongeant sur plusieurs siècles, où il sera souvent question
d'histoire naturelle, de mystérieux cadeaux et des différentes
facettes du deuil. Le bien nommé Père Ulisses, après avoir
séjourné en Angola, s'installe à São Tomé, à l'époque une
colonie en déclin, où l'on cultive un peu de cacao, on ravitaille des bateaux négriers, mais où la
pauvreté est particulièrement frappante. Il s'intéresse au sort
des esclaves, tout en comprenant que les barrières de langue
et de culture empêchent une vraie communication, et rendent
impossible l’évangélisation. Il consigne dans son journal la
progression de son désespoir, jusqu'au jour où il rend visite à un
groupe d'esclaves très particulier, une rencontre qui lui donne
l'idée de fabriquer un objet religieux bien étrange, qui aurait
plus tard été offert à une église des Hautes Montagnes du
Portugal, ce qui désigne dans le roman une région rurale de l'est du pays, près de Bragance, mais qui est avant tout un lieu symbolique. Une région abandonnée et sauvage, du moins à cette
époque, au point d'héberger, selon la légende, les derniers
exemplaires du rhinocéros ibérique. Cependant, c'est seulement l'étrange
objet liturgique, apparemment un crucifix, cité dans le journal du
prêtre, qui attire l'attention, en 1904, du malheureux Tomás, qui
vient de perdre sa femme, son fils et son père en peu de temps. Pour
ce modeste employé d'un musée d'histoire, à Lisbonne, l'idée de
trouver le trésor perdu du père Ulisses agit comme un antidote à
sa propre mélancolie. Mais il lui faudra se rendre dans une région
où il perdra tous ses repères de citadin, et des conditions de
voyage particulièrement pénibles dévorent rapidement le temps et
même le sens de sa recherche. Plus de trente années plus tard, on
retrouve un écho du périple de Tomás dans l'histoire d'une veuve,
originaire d'un village de ces Hautes Montagnes, qui souhaite faire
autopsier le corps de son mari, afin de savoir, non pas comment il
est mort, mais comment il a vécu. Et encore, dans les années
1980, les différents fils conducteurs reviennent dans l'histoire de
Peter, parlementaire canadien décidé à changer radicalement de vie, au moyen d'un retour à ses racines portugaises, situées précisément dans ces Hautes Montagnes.
Les
Hautes Montagnes du Portugal offrent de nombreux recoins ombragés
et propices à la réflexion, où se mêlent des souvenirs
littéraires et des motifs fantastiques. On y croise des grands
singes, des animaux quasi-mythologiques, les premières automobiles,
les romans d'Agatha Christie, et, surtout, des amours contrariées
par la mort. L'abondance d'éléments disparates et leur agencement
donnent une dimension exotique à une intrigue qui pourrait
ressembler à un cabinet de curiosités en mouvement, car on se
déplace beaucoup dans ce roman : à pied, en voiture, en
avion... Le deuil se vit à travers le voyage, souvent en marchant,
même à reculons, comme pour voir s'éloigner le passé.
Les
Hautes Montagnes du Portugal, de Yann Martel, traduit de
l'anglais (Canada) par Christophe Bernard. Grasset, 2016
Albrecht Dürer, Rhinocéros |
La flamme de Borges brille toujours la péninsule ibérique.
RépondreSupprimerPuisque Bibliothèque de Babel contient no seulement tous les livres existants mais également tous les livres possibles, Borges est la raison (principale) pour laquelle je m'intéresse à la littérature. Dommage que je ne reçoive plus les alertes pour les commentaires, cela m'éviterait de répondre (trop) en retard. Je verrai si je peux arranger cela.
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